Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/229

Cette page a été validée par deux contributeurs.

la partie, et même Legras, qui a les deux jambes brisées, et même le chasseur alpin qui a le crâne ouvert.

Panchat, l’homme au cou traversé, bat la mesure avec son doigt parce qu’il lui a été défendu de parler.

Tout cela se passe presqu’à voix basse ; mais les visages s’éclairent, s’échauffent, comme si un flacon d’eau-de-vie avait circulé de bouche en bouche.

Alors Houdebine se tourne vers Panchat et dit :

— Tu fais pas une manille au mort, Panchat ?

La manille au mort est un jeu qui se joue à deux ; et il faut bien se contenter de jouer à deux, puisque personne ne se lève dans la salle et qu’il ne peut y avoir commerce aisé qu’entre deux couchettes voisines.

Panchat fait signe de la tête qu’il veut bien jouer. Pourquoi ne jouerait-il pas à la manille au mort, qui est une « manille muette » ? Il fait glisser une chaise dans la ruelle et bat les cartes.

Elles sont si usées aux angles, les cartes, qu’elles sont presque ovales. Les figures sourient à travers une brume de crasse ; et, pour « donner », il faut, chaque fois, se mouiller amplement le pouce de sa-