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cement, en me regardant bien dans les yeux :

— Je veux mourir.

Je quitte la salle, désarmé, la tête basse, et je vais trouver Monet, qui est un prêtre et un bon infirmier. Il fume une pipe dans un coin. Il vient d’apprendre la mort au feu de son jeune frère et il recherche la solitude.

— Monet, lui dis-je, je crois que Rochet est une âme religieuse ; eh bien ! allez le voir, il peut avoir besoin de vous.

Monet pose sa pipe, et s’éloigne à pas feutrés.

Pour moi, je m’en vais errer au dehors. Sur la route bordée de peupliers, en compagnie de la nuit furieuse et de la pluie, peut-être saurai-je faire tête au flux d’amertume qui me soulève.

Une heure passe et l’inquiétude me ramène au chevet de Rochet. La bougie se consume avec une flamme droite. Monet lit dans un petit livre à fermoir. Le profil du blessé a toujours l’austérité douloureuse d’un visage de saint.

— Est-il plus calme, maintenant ?

Monet lève vers moi de beaux yeux noirs et laisse retomber son livre.

— Oui, il est mort.