Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/222

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sent avec précaution le brancard dans la boue.

— C’est Fumat ?

— C’est lui ! Il vient de passer, et bien doucement.

— Où allez-vous ?

— Il n’y a de place nulle part pour un mort. Alors on le porte à la chapelle du cimetière. Mais il est lourd !

— On va vous aider.

Philippe et moi saisissons le brancard. Les hommes nous suivent en silence. Le corps est lourd, très lourd. Les sabots dérapent dans la glaise. Et l’on marche doucement, avec le bruit des respirations qui trahit l’effort.

Comme il est lourd ! Il s’appelait Fumat… C’était un géant. Il était venu des montagnes du Centre, laissant, à flanc de côte, un village couvert de tuiles rousses, parmi les genévriers et les éboulis volcaniques. Il avait quitté sa terre aux forts arômes, son vaste horizon de puys violets, et il était venu à la guerre, en Artois. Il avait passé l’âge où l’on marche à l’assaut, mais il gardait les tranchées et faisait la cuisine. Il a reçu le coup mortel en faisant la cuisine. Le géant d’Auvergne a été percé par de