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— Montre-moi ton livre, Croquelet.

Il me désigne, du menton, une petite brochure. Mon briquet fait une lueur et je lis, sur la couverture grise : « Des qualités de la prière adressée à Dieu. »

— C’est bon, Croquelet, je tâcherai de te trouver un livre avec des images. Comment vas-tu, ce soir ?

— Oh ! mal ! mal ! C’est le dégel complet…

Il a eu les pieds gelés et commence à en souffrir si fort qu’il oublie la plaie creusée dans son flanc, et qui, elle, est mortelle, mais indolente.


IV


Je suis venu me réfugier parmi mes blessés pour fumer en paix et me recueillir dans l’ombre. Ici, l’atmosphère morale est pure. Ces hommes sont si misérables, si grandement disgraciés, si attentifs à leur obsédante douleur qu’ils semblent avoir abandonné le fardeau des passions pour mieux rassembler leurs forces sur ce projet : vivre.

Malgré la camaraderie, ils sont, à cette heure,