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fallait m’en aller. J’ai pris ma course, et j’avais mis un doigt de chaque côté, à cause du sang. Je pensais : une seule balle, bon Dieu ! c’est quand même trop fort ! Elle était fine bonne, celle-là ! Et voilà que j’aperçois l’adjudant. Alors je lui dis : « Je vous avais bien prévenu, mon adjudant, qu’il ne valait rien, ce coin-là. » Mais il m’est venu du sang dans la bouche et je me suis remis à courir.

Il se fait un grand silence et j’entends une voix qui murmure avec conviction :

— Tu en as eu de la veine, toi !

Mulet aussi raconte son histoire :

— Ils nous avaient pris notre feu… C’est pas à vous, ce feu-là, je lui dis. Pas à nous, qu’il dit ? Mais voilà que l’autre il s’amène et qu’il dit : Foutez-nous la paix avec le feu… C’est pas à vous, je lui dis ! Alors il dit : Vous ne savez pas à qui que c’est que vous parlez. Et il retourne son calot, qui était à l’envers… Ah ! vous demande pardon, que je dis, mais on ne pouvait pas savoir… Et ils l’ont gardé, notre feu…

Maville estime, d’une voix calme :

— C’est des histoires qui arrivent, ça.

Le silence, à nouveau. La tempête secoue les