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Mais faut-il parler de tous ceux que cette malheureuse chambre a engloutis et rejetés ?


III


Les lumières manquent ce soir… Il faudra bien apprendre à s’en passer… À tâtons, je longe les couloirs, où le vent grogne, jusqu’au grand escalier. Là, il y a une lampe quinteuse qui ferait regretter la nuit. Je vois les marches, qui sont blanches et enduites de boue, des tableaux, des tapisseries, tout un décor somptueux qui baigne, par le bas, dans la fiente et la désolation. Comme j’approche des salles de blessés, j’entends le bruit calme de leurs conversations. J’entre doucement. Ils se taisent ; puis se remettent à causer, car, maintenant ils me connaissent.

À vrai dire, on ne distingue d’abord que des formes longues rangées par terre. Les brancards ont l’air de deviser avec des voix humaines. L’une explique :

— On était assis tous les trois côte à côte… et j’avais pourtant bien dit à l’adjudant que ce coin-là ne valait rien. On venait juste de nous apporter