Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/207

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Alors je lui disais des choses qui voulaient être douces, et qui étaient inutiles, parce qu’il n’y a pas de conversation possible entre l’homme roulé par les flots d’un torrent et celui qui demeure assis dans les roseaux de la rive. Madelan ne m’écoutait guère, et il poursuivait avec l’autre son colloque étrange. Il n’avait plus besoin de nous ni de personne ; il ne mangeait plus, ne buvait plus, et se souillait au gré de la bête, sans exiger assistance ni soins.

Un jour, le vent a fermé la porte de la chambre, et il n’y avait plus de clef pour l’ouvrir. On a dressé de grandes échelles pour entrer par la fenêtre. Et, dès que la vitre a été brisée, on a entendu Madelan qui poursuivait son rêve à voix haute.

Il est mort, et tout de suite on a mis à sa place cet homme au crâne défoncé, dont nous ne savions rien parce qu’il nous était arrivé sans regard déjà, sans parole, et sans autre histoire qu’une fiche rouge et blanche, large comme la paume d’un enfant.

Cet homme n’a passé là qu’une nuit, remplissant le silence d’un bruit d’éructations douloureuses et