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les avoisine me rend odieuse et même ridicule l’âme impuissante qui m’étrangle. En dépit de toute protestation de sympathie, l’être, dans sa chair, souffre toujours solitairement, et c’est aussi pourquoi la guerre est possible…

Philippe, que voici, pense peut-être comme moi, mais encore y est-il convié d’une façon pareillement pressante. Des hommes, qui dorment à vingt pas de cette place, seraient éveillés par un cri ; mais ils ne le sont point par cette présence formidable, aussi dépourvue de truchement qu’un mollusque au fond de la mer.

Avec désespoir, je frappe du sabot dans la neige tendre. L’herbe d’hiver qu’elle recouvre, subsiste avec opiniâtreté et n’est solidaire de nulle autre chose au monde. Que la douleur des hommes s’épuise : l’herbe ne se flétrira point ! Dormez, bonnes gens du monde entier ! Ceux qui souffrent ici ne troubleront pas votre sommeil !

Et voici que, par delà les bois, s’élève dans le ciel et s’épanouit soudain une fusée brillante comme un météore. Elle signifie quelque chose, à coup sûr, et elle avertit quelqu’un ; mais son ingéniosité grossière ne m’abuse pas. Ce n’est pas ce signal