Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je suis vannier, me dit-il gravement. Je pourrai tant bien que mal reprendre mon métier. Mais voyez Groult, avec une main de moins, voyez Lerondeau, avec sa patte folle, des cultivateurs… Comme c’est pénible !

Auger roule les r d’une certaine façon qui donne à son langage de la saveur et de l’énergie. Il parle des autres avec une générosité naturelle, qui vient des profondeurs, comme son regard, et qui sonne net, comme sa voix. Et puis, il n’a vraiment rien à envier à personne. Je vous l’ai dit : c’est un prince.

— J’ai de belles visites, me dit-il. Il est encore venu, tout à l’heure, une dame qui m’a laissé cette grande boîte de bonbons. Prenez un bonbon, monsieur, vous me ferez plaisir. Voulez-vous en offrir aux camarades, s’il vous plaît, de ma part ?

Il ajoute plus bas :

— Regardez sous mon lit. J’y mets tout ce que l’on me donne. Voyez : c’est trop ! J’en suis honteux. Il y en a ici à qui l’on ne donne jamais rien et qui ont fait leur devoir tout aussi bien que moi, et qui sont des braves.

En effet, il y a beaucoup de braves soldats dans