Page:Duhamel - La Vie des martyrs.djvu/191

Cette page a été validée par deux contributeurs.

croire. Sincèrement, ça ne me faisait pas fort, fort mal. Après, dame, la douleur est venue…

Et je comprends pourquoi l’on aime Auger : c’est qu’il est rassurant. À le voir, à l’entendre, on juge que la souffrance n’est pas une chose si affreuse… Ceux qui vivent loin du champ de bataille, et qui visitent les hôpitaux pour y prendre un peu l’air de la guerre, regardent Auger et s’en vont contents de tout : des événements, de lui et d’eux-mêmes. Ils trouvent que le pays est bien défendu, que les soldats sont braves et que les blessures, les mutilations, sont des choses, à coup sûr sérieuses, mais supportables.


*


Pourtant, pour Auger aussi la douleur est venue. Seulement il y a façon de la prendre.

Il souffre d’une façon éclairée, intelligente, presque méthodique. Il ne brouille pas toutes choses, et ne se plaint pas à tort et à travers. Même aux mains des autres, il reste l’homme qui a su s’amputer lui-même et achever l’œuvre de la mitraille. Il est trop modeste et trop respectueux