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contentement. Le teint est vif et chaud, les cheveux drus, un peu bouclés. Une moustache d’adolescent, un menton bien rasé, divisé par une fossette pleine de gaîté, des yeux qui semblent ouverts sur un paysage souriant, habité par des eaux courantes et du soleil.

— Je vais bien, me dit-il avec une satisfaction tranquille. Voulez-vous voir Mariette ?

Il soulève le drap et je vois l’appareil dans lequel nous avons placé le moignon de sa jambe. Cela fait une grosse « poupée » blanche qu’il prend en riant dans ses deux mains et à laquelle il a donné le nom familier de Mariette.

Auger était sapeur du génie. Un obus lui a cassé la cuisse et arraché le pied. Comme ce pied tenait encore par un bout de chair, Auger a tiré son couteau de poche et s’est débarrassé tout à fait de son pied, puis il a dit à ses camarades devenus verts de terreur :

« Eh bien ! les amis, tout va bien ! Il n’y a pas grand’chose de perdu. Emportez-moi voir un peu d’ici. »

— Souffrais-tu beaucoup, lui dis-je ?

— Eh bien, monsieur, moins qu’on ne pourrait