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Il m’a répondu, avec sa voix sourde et bourrue :

— Pas la peine ! Je suis ben comme ça.

— Mais tu ne peux voir que le mur.

— C’est ben assez.

Il est donc resté dans son coin, et c’est là qu’on vient le chercher tous les matins.

À peine les brancardiers ont-ils posé la main sur son lit, que Grégoire se met à crier d’un ton rageur et triste :

— Ah ! mais, me remuez pas comme ça ! Ah ! mais, faut pas me toucher…

Les brancardiers que je lui envoie sont des gens bien doux, toujours les mêmes : le gros Paffin, qui est un cordonnier obèse et bègue, et Monsieur Bouin, un professeur de mathématique, à la barbe grise, au geste méticuleux.

Ils saisissent Grégoire avec les plus grandes précautions pour le poser sur le brancard. Le blessé critique hargneusement tous leurs gestes.

— Ah ! mais, ne tournez pas comme ça ! Et pis faut me tenir ma jambe mieux que ça !

Paffin sue à grosses gouttes. Le lorgnon de Monsieur Bouin tombe par terre. Enfin le blessé est emporté.