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visage glacial, le même regard pâle, dur, bordé de cils décolorés. À de certains indices, nous pouvions deviner que cet homme était intelligent et instruit ; mais il restait visiblement dominé par une haine vivace et par un étroit souci de sa dignité.

Il souffrait avec courage, et comme quelqu’un qui applique son amour-propre à réprimer les plus légitimes réactions de la chair blessée. Je ne me souviens guère l’avoir entendu crier, ce qui m’aurait d’ailleurs semblé fort naturel et n’aurait en rien modifié mon opinion sur Monsieur Spät. Il geignait seulement, avec le « han » ! sourd d’un bûcheron qui abat la cognée.

Un jour, nous avions dû l’endormir pour débrider les plaies de sa jambe ; il était devenu très rouge et avait dit, d’un ton presque suppliant : « Pas couper, Monsieur, n’est-ce pas ? Pas couper ! » Mais, dès le réveil, il avait retrouvé tout aussitôt son attitude hostile et compassée.

À la longue, j’avais cessé de croire que ses traits fussent jamais capables d’exprimer autre chose que cette animosité contenue. Je fus détrompé dans une circonstance imprévue.

Le fait de siffloter entre ses dents traduit chez