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je l’emporte dans mes bras. Je descends l’escalier du parc avec bien de la prudence, comme une mère qui porte pour la première fois son nouveau-né : Je crie « Un fauteuil ! Un fauteuil ! »

Pendant que je marche, il se cramponne à mon cou et dit avec confusion :

— Je vais vous fatiguer.

Certes non ! Je suis trop content ! Je ne donnerais ma place à personne. Le fauteuil a été installé sous les arbres, près des bosquets. Je dépose Léglise entre les coussins. On lui apporte un képi. Il respire l’odeur de la verdure, des pelouses fauchées, du gravier grillé par le soleil. Il regarde la façade du château et dit :

— Je n’avais même pas vu l’endroit où j’ai failli mourir.

Tous les autres blessés qui se promènent dans les allées viennent lui faire visite et, dirait-on, lui rendre hommage. Il leur parle avec une cordiale autorité. N’est-il pas leur chef à tous, par droit de souffrance et de sacrifice ?

Deux heures se passent et il revient à son lit.

— Je suis un peu las, avoue-t-il ; mais c’est si bon !