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Il devient d’une sensibilité extraordinaire. Il est ému par tout ce qui se passe autour de lui, par la souffrance des autres, leur infortune propre. Il vibre comme une âme d’élite qu’une grande crise a exaltée.

Il ne parle de lui que pour humilier son malheur :

— C’est au ventre que Dumont est touché ? Ah ! mon Dieu, pour moi les organes essentiels ne sont pas atteints ; je ne peux pas me plaindre.

Je le contemple avec admiration, mais j’attends encore quelque chose, quelque chose…

Il est surtout très intime avec Legrand.

Legrand est un tailleur de pierre au visage de jeune fille. Il a perdu un large morceau de crâne. Il a aussi perdu l’usage de la parole et on lui apprend les mots, comme à un bébé. Il commence à se lever et s’empresse autour du lit de Léglise pour lui rendre de menus services. Il essaye de maîtriser sa langue rebelle ; mais, n’y parvenant pas, il sourit et s’exprime avec son limpide regard, si intelligent.

Léglise plaint aussi celui-là :

— Ce doit être bien pénible de ne pouvoir parler.