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faut dire, et elles viennent si bien que j’ai parfois peur de trop promettre cette vie, que je ne suis pas sûr de conserver, de trop promettre cet avenir qui n’est pas aux mains des hommes.

Peu à peu, je sens la grande résistance céder. Il y a quelque chose, en Léglise, qui est forcément de mon avis et qui plaide avec moi. Par moments, il ne sait plus que dire et formule, d’un air malheureux, des objections presque futiles, tant il en est d’autres plus lourdes.

— Je vis avec ma mère, me dit-il. J’ai vingt ans… Quelle situation voyez-vous pour un cul-de-jatte ? Faut-il vivre pour connaître la misère ?

— Léglise, la France entière te doit trop, et rougirait de ne pas s’acquitter.

Et je promets, je promets, au nom du pays qui ne voudra jamais renier mes paroles. Tout le peuple de France est derrière moi, dans cette minute, pour sanctionner silencieusement ma promesse.

Nous sommes au bord de la terrasse, le soir est venu. Je tiens son poignet brûlant où le pouls débile bat avec une rage épuisée. La nuit est si belle, si belle ! Des fusées montent au-dessus des collines et retombent lentement, en inondant l’hori-