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Dans les lits que la piété publique a dressés de toutes parts, les hommes frappés attendent les décisions du sort. Les lits sont blancs, les pansements sont propres ; beaucoup de visages sourient, jusqu’à l’heure où la fièvre les empourpre, jusqu’à l’heure où la même fièvre fait trembler un peuple de blessés sur le continent.

Quelqu’un est allé visiter les blessés et m’a dit : « Les lits sont en effet bien blancs, les pansements paraissent bien propres, ces gens jouent aux cartes, lisent les journaux, mangent des friandises ; ils sont simples, souvent très doux, ils n’ont pas l’air trop malheureux. Ils racontent tous la même histoire… La guerre ne les a pas trop changés. On les reconnaît tous… »

— Êtes-vous sûrs de les reconnaître ? Vous qui venez de les regarder, êtes-vous sûrs de les avoir vus ?

Sous leurs pansements, il y a des plaies que vous ne pouvez pas imaginer. Au fond des plaies, au fond de la chair mutilée, s’agite et s’exalte une âme extraordinaire, furtive, qui ne se manifeste pas ai-