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Nous avions achevé notre service matinal quand une voiture s’arrêta devant le perron.

— Médecin de garde !

Je descendis les marches. Le chauffeur m’expliquait :

— Il y a trois petits blessés qui s’en vont plus loin. Et puis il y a de grands blessés…

Il avait ouvert l’arrière de son auto. D’un côté, trois soldats assis somnolaient. On voyait, de l’autre, des brancards et les pieds des hommes couchés. Alors, du fond de la voiture, une voix sortit qui était basse, grave, chancelante et qui disait :

— Moi, monsieur, je suis un grand blessé !

C’était un adolescent plutôt qu’un homme ! Un rien de poil fol au menton, un nez busqué, bien dessiné, des yeux sombres que l’extrême faiblesse faisait paraître démesurés, et le teint gris terne des gens qui ont beaucoup saigné.

— Oh ! Comme je suis fatigué ! dit-il.

Le blessé se tenait des deux mains au brancard pendant qu’on montait l’escalier. Il souleva un peu la tête, jeta sur les verdures, les belles collines, l’horizon embrasé, un regard plein d’étonnement,