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heure de l’après-midi, l’air fut fouaillé par le sifflement des « marmites » et quelques obus tombèrent dans le tas des hommes assemblés. Nous les vîmes s’écarter à travers la fumée ocreuse et s’aller coucher un peu plus loin dans les champs. Beaucoup ne bougèrent même pas. Des brancardiers vinrent aussitôt, en traversant la prairie, nous apporter deux morts, et neuf blessés qui furent placés sur les tables d’opérations.

En leur donnant des soins, pendant l’heure suivante, nous regardions avec angoisse les groupes toujours plus denses des hommes demeurés là-bas, et nous nous demandions s’ils n’allaient pas bientôt partir. Mais ils restaient là, et, de nouveau, nous entendîmes, sourdement, les coups de départ, puis les sifflements sur nos têtes et les explosions d’une dizaine d’obus tombant sur les hommes. Pressés à la fenêtre, nous assistâmes au massacre en attendant qu’on nous apportât les victimes. Mon camarade M… me fit remarquer un soldat qui remontait, en courant, la pente du gazon, de l’autre côté de la route, et que les obus semblaient poursuivre…

Ce furent les derniers blessés que nous reçûmes