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des pas précipités et des cris dans le couloir.

Je regardais l’homme dormir avec ses longues inspirations ronflantes, et j’enviais presque son oubli de toutes choses, la dissolution de son être dans un séjour ténébreux, si voisin de la mort libératrice. Mon travail fini, je fus voir les dégâts.

Un obus était tombé au coin du bâtiment, enfonçant les fenêtres de trois salles, projetant des pierres en tous sens et criblant d’éclats énormes les plafonds et les murailles. Les blessés gémissaient dans les flots d’une fumée âcre. Ils étaient couchés si près du sol qu’ils n’avaient reçu que des plâtras et des éclats de verre ; mais la commotion fut telle qu’ils moururent presque tous dans l’heure qui suivit.

Dès le lendemain, on décida de nous changer de place, et nous nous disposâmes à enlever nos blessés et à reporter notre ambulance un peu plus loin.

Il faisait un jour fort limpide. En face de nous, la grande route était couverte d’hommes que des automobiles déposaient par paquets, de seconde en seconde. Nous achevions les dernières opérations et regardions parfois ces hommes rassemblés au soleil, sur les talus et dans les fossés. Vers une