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Un blessé fut apporté ce soir-là, porteur de diverses plaies causées par un « obus à gaz ». Ses yeux étaient complètement enfouis sous les paupières tuméfiées. Ses vêtements étaient si profondément imprégnés par le poison que nous fûmes tous pris de toux et de larmoiement et qu’il persista longtemps dans la salle une pénétrante odeur d’ail et de bonbons anglais…

Maintes choses demeurent toujours forcément imprévues, et je songeais, pendant cette alerte, aux opérés plongés dans le sommeil chloroformique, et qu’il faudrait laisser s’éveiller pour les masquer sans retard, ou alors…


*


Eh bien, au milieu de cette incroyable tragédie, le rire n’était pas complètement éteint. C’est peut-être une des particularités ou des grandeurs de notre race, c’est sans doute, plus généralement, un impérieux besoin de l’humanité entière.

Certains blessés mettaient leur orgueil à plaisanter, et ils le faisaient avec des mots auxquelles circonstances prêtaient un pittoresque poignant.