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la mesure de ses forces sans plus songer à soi-même.

Quatre salles d’opérations avait été aménagées. Les blessés y étaient apportés, sans arrêt et, là, une volonté grave et prudente statuait sur l’état de chacun, son sort, son avenir… Devant le flot débordant de la besogne, il fallait, avant que de saisir le couteau, se recueillir profondément, et décider du sacrifice qui assurait la vie ou donnait quelque espoir pour la vie. En une seconde de réflexion efficace, il fallait entrevoir et peser toute une existence d’homme, puis agir avec méthode et audace.

Dès qu’un blessé quittait la salle, un autre prenait sa place ; pendant les préparatifs de l’opération, nous allions choisir à l’avance et classer les patients, car beaucoup n’avaient plus besoin de rien, ils voguaient au delà des possibilités humaines et attendaient, dans l’hébétude, les bonnes grâces de la mort.

Le mot intransportables ayant été prononcé, orientait tout notre travail. On évacuait les blessés susceptibles d’attendre encore quelques heures les soins nécessaires et d’aller les chercher plus loin. Mais, en entendant ronfler les automobiles, tous