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camarades et de nos voitures. Avec lui, je repris la visite des pavillons pendant qu’on déballait le matériel. Je m’étais emparé d’une seringue, en attendant le couteau, et m’occupais à distribuer de la morphine. La besogne apparaissait immense et chaque minute l’augmentait. En hâte, nous commencions à nous la partager, à répartir les rôles. Les cris de la souffrance nous masquaient une canonnade formidable. Auprès de moi, un homme que je connaissais pour énergique et résolu disait entre ses dents : « Non ! Non ! tout plutôt que la guerre ! »

Mais il fallait d’abord mettre de l’ordre dans l’enfer.


*


En quelques heures, cet ordre apparut et régna. Nous étions fourbus par les journées de marche et les nuits de mauvais sommeil ; mais les hommes posèrent le sac et se jetèrent sur la besogne avec un courage silencieux qui semblait exalter les natures les moins généreuses. Le premier effort dura trente-six heures pendant lesquelles chacun donna