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mirent à hurler dès que nous entrâmes. Beaucoup étaient là depuis plusieurs jours. La brutalité des événements, la relève des unités, la surabondance du travail, tout contribuait à créer une de ces situations qui désemparent et débordent les meilleures volontés.

Nous ouvrions une porte, et, aussitôt, les hommes qui gisaient là se mettaient à crier de toutes leurs forces. Certains, couchés sur leur brancard, au ras du sol, nous saisissaient par les jambes et suppliaient que l’on s’occupât d’eux. Quelques infirmiers affolés s’élançaient au hasard, mais n’arrivaient pas à satisfaire aux besoins d’une si vaste souffrance. Je me sentais à tout instant agrippé par ma capote, et une voix me disait :

— Je suis ici depuis quatre jours ! Faites mon pansement, je vous en supplie.

Et comme je répondais que j’allais revenir tout de suite, l’homme se mettait à pleurer :

— Ils disent tous qu’ils vont revenir, et ils ne reviennent jamais...

Parfois, un homme tourmenté par le délire nous tenait au passage des propos incohérents. Parfois, nous tournions autour d’un lit silencieux pour voir