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Nuit dans la paille. Énorme ronflement de cinquante hommes terrassés par la fatigue. Puis le réveil, et, de nouveau, la boue liquide jusqu’aux chevilles. La grande voie étant interdite à nos fourgons, discussion nerveuse à l’issue de laquelle nous nous séparâmes : les voitures à la recherche d’un détour par les chemins de terre, nous, les piétons, arpentant les bas-côtés de la route sur laquelle se ruaient, dans les deux sens, des files de camions automobiles pressés comme les wagons d’un immense train.

Depuis minuit, nous savions où nous allions nous installer, le faubourg de G… n’était plus qu’à une heure de marche. Dans les champs, à droite et à gauche, étaient parquées des troupes coloniales au casque terreux, elles revenaient du feu et paraissaient étrangement silencieuses. En face de nous, la ville, à moitié cachée, pleine de craquements et d’échos. Au delà, les collines de Meuse, sur lesquelles on distinguait les maisons des villages et la chute continuelle de la mitraille. Nous longeâmes une prairie jonchée de meubles abandonnés, de lits, de caisses, toute une fortune qui semblait les débris d’un hôpital. Enfin nous