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nous arrêter, il marcha quelques temps à mes côtés et nous consacrâmes ces minutes à nous souvenir d’anciennes choses. Puis il me quitta et nous nous embrassâmes, bien que cela ne nous fût jamais arrivé au temps de la paix.

La nuit tomba. Sentant que c’était la dernière grande étape, nous encouragions les hommes exténués. À R***, je perdis ma formation. J’étais arrêté sur le bord de la route, appelant dans la nuit… De l’artillerie passait, m’inondant de boue jusqu’au visage. Enfin, je retrouvai les miens et la marche reprit, à travers des villages illuminés par les feux de bivouac qui palpitaient sous une pluie battante, à travers une campagne ténébreuse que les éclairs de la canonnade montraient soudain couverte d’une multitude d’hommes, de chevaux et d’objets guerriers.

C’était le 27 février. Entre 10 et 11 heures du soir, nous arrivâmes auprès d’un hôpital installé dans des baraques de planches, et qui fonctionnait fébrilement. Nous étions à B***, hameau misérable sur lequel les Allemands devaient, le lendemain, jeter une trentaine d’obus monstrueux qui ne tuèrent pas une souris.