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vrait dans la campagne portaient pareillement une charge d’hommes et de machines. De place en place, des chevaux, crevés à la peine, gonflaient au pied des talus. On percevait une grande rumeur faite de piétinements, de grincements, du bruit des moteurs et d’une foule de gens qui parlent et mangent en marchant.

Tout à coup, nous débouchâmes, à la lisière d’un bois, sur une hauteur d’où l’on découvrait tout le champ de bataille. C’était une immense étendue de plaines et de coteaux, tachée par les bois gris de l’hiver. De longues fumées d’incendies, orientées par le vent, se couchaient sur le paysage. Et d’autres fumées, minuscules, multicolores, jaillissaient du sol partout où pleuvaient les projectiles. Rien que cela : des fumées, de brèves lueurs sensibles en plein jour, et une théorie de ballons captifs, témoins immobiles et attentifs de toutes choses.

Mais, déjà, nous descendions la côte et les divers plans de paysage s’enfonçaient les uns derrière les autres. Au moment de passer un pont, j’aperçus, dans un groupe de soldats, un ami que je n’avais pas vu depuis la guerre. Comme nous ne pouvions