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région de Verdun, évacuée par ordre. Ils poussaient des rosses misérables, engageaient jusqu’aux moyeux, dans les ornières, des voitures précaires où l’on voyait des matelas, des édredons, ce qu’il faut pour le dormir et le manger et, aussi, une cage où des oiseaux pépiaient. De village en village ils cherchaient un gîte introuvable, mais ne se plaignaient pas, disant seulement :

— Vous allez à Verdun ? Nous, nous venons de X***. On nous a forcés à partir. On a bien du mal à trouver où s’installer.

Des femmes passèrent. Deux d’entre elles traînaient une petite voiture d’enfant dans laquelle le bébé dormait. Il y en avait une toute jeune, et une âgée. Elles relevaient leur jupe à cause de la boue. Elles portaient de petits souliers de ville et, à chaque pas, enfonçaient, comme nous, dans la fange, parfois jusqu’à mi-jambe.

Tout le jour nous croisâmes de tels cortèges. Je ne me souviens pas d’avoir vu pleurer une seule de ces femmes ; elles paraissaient effarées et terriblement lasses.

Cependant, le bruit du canon devenait plus ample et plus régulier. Toutes les routes que l’on décou-