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se faufilaient tenacement, et avançaient. On voyait, sur les pentes des collines, ramper d’abord, comme un clan de termites en voyage, les brancardiers et leurs chiens tirant les brouettes à blessés, puis les colonnes d’infirmiers, boueux, exténués, puis les fourgons d’ambulance, que chaque semaine de guerre surcharge un peu plus, et que les chevaux halaient au milieu d’un brouillard de sueur.

Parfois, tout cela s’arrêtait à un croisement de voies, et les ambulances laissaient passer devant elles des choses pressées : celles qui doivent tuer, de trapus mortiers gris emportés à toute vitesse dans un grondement métallique.

Une halte, un coup de vin trempé de pluie, le temps de s’étrangler avec un morceau de « boule » rassie, et on repartait, songeant à la halte suivante, à un endroit sec, à une heure de vrai sommeil.

Peu après C***, nous commençâmes à rencontrer des émigrants. Les choses en furent grandement compliquées, et le spectacle y gagna certaines ressemblances odieuses avec les scènes du début de la guerre, les scènes de la grande retraite.

Longeant le bord des routes, les chemins vicinaux, les pistes à travers champs, ils fuyaient la