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eu une vie trop malheureuse pour mourir déjà, n’est-ce pas, monsieur ?

Je lui presse la main pour lui donner confiance, et je sens que sa dure main est heureuse dans la mienne. J’ai plongé mes doigts dans sa chair, son sang a coulé sur mes doigts, cela suffit à créer de forts liens entre deux hommes.

Le calme semble tout à fait revenu. Je lui parle de son beau pays. Il était boulanger dans un hameau du Cantal. J’y suis passé, jadis, en voyageant, au temps de la paix. Nous nous souvenons ensemble de l’odeur des genévriers, par les jours d’été, sur les pentes vertes, et des fontaines minérales, au goût merveilleux, qui jaillissent dans la montagne.

— Oh ! dit-il, je vous verrai toujours.

— Vous me verrez, Mercier ?

C’est un homme très simple, il cherche à s’exprimer et ajoute seulement :

— Dans les yeux… je vous verrai toujours dans les yeux…

Que voit-il donc encore ? Quelle autre chose se reflète tout à coup dans ses yeux ?

— Je crois… Oh ! voilà que ça recommence.