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des lèvres, comme quand on embrasse la main d’un bébé.

Je le saisis par le bras et l’entraîne. Son rude corps est secoué par des sanglots qui ressemblent à des hennissements ; il est aveuglé par les larmes et se heurte à tous les meubles. Il ne sait plus que se lamenter, d’une voix hachée :

— Pauvre André ! Pauvre André !


XXVI


La Gloriette est au milieu des pins. Je soulève un pan de toile, et il est là.

Malgré les plaques livides de la peau, malgré la roideur des traits et l’absence, à jamais, du regard, c’est bien le visage familier.

Que de temps il a souffert pour avoir le droit d’être enfin cette chose qui ne souffre plus !

Je tire le suaire. Le corps n’est pas encore trop touché par la corruption. Les pansements sont à leur place, comme avant. Et, comme avant, voici qu’en écartant ce drap, je songe au regard qu’il va me jeter à l’instant de la souffrance…

Il n’y a plus de regard, il n’y a plus de souf-