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teindre, a fait de la vitesse ? L’appareil formidable de la justice québécoise doit pouvoir saisir sur le fait quelques faux colons, faire quelques exemples, puis laisser prospérer en paix les honnêtes défricheurs, qui seraient l’immense majorité si on voulait bien leur rendre les débuts tenables. C’est du plus simple bon sens. Depuis des années, depuis toujours, par un criminel suicide de la race,[1] nous nous

  1. On serait parfois tenté de croire que le gouvernement ne tient pas à la colonisation, et qu’il préfère de beaucoup l’industrie forestière à l’agriculture, le marchand de bois au colon, l’arbre à l’homme. Pour ne rien dire de l’administration actuelle, citons quelques faits bien précis particulièrement révoltants, dévoilés dans Le Pionnier de mai 1908 sous la signature d’un prêtre colonisateur, M. l’abbé Chouinard, de St-Paul de la Croix. (Témiscouata) :

    ... « L’idée des terres libres aux colons libres, à mon sens, est la meilleure… Le but de cet article est de faire connaître au public la manière vraiment indigne dont on traite le colon dans notre comté. Comme il n’y a rien de plus probant que des faits, je cite des faits. Un de mes paroissiens, M. Michel St-Pierre, père de plusieurs garçons, voulait en établir trois, voisins, sur les terres nouvelles. Il va au canton Demers, à 20 milles d’ici, choisit ses lots et en fait la demande à l’agent des Terres à la Rivière-du-Loup, avant le 30 avril, car ces lots sont dans les limites des porteurs de licence. L’agent lui concède ces lots. Mais voilà qu’au mois de juillet, au moment où il se disposait, avec ses trois garçons, à aller faire le défrichement voulu par la loi, il reçoit de l’agent, M. Le Bel, ordre de ne pas toucher à ses lots avant que le marchand de bois ait enlevé tout le bois marchand (on sait que cela peut durer des années !). Justement irrité de tant de mauvaise foi, M. St-Pierre prend ses permis d’occupation, retourne à la Rivière-du-Loup, les remet à l’agent et réclame son argent.

    Un autre de mes paroissiens. M. Xavier Lepage, s’adresse au même agent pour avoir un lot dans le même canton. C’est un père de famille qui veut se fixer sur des terres nouvelles. L’agent lui fait comprendre qu’il ne peut avoir son permis avant d’avoir fait le défrichement voulu ! Mon homme, ignorant la loi à ce sujet, va tranquillement prendre son lot, y fait du défrichement et ensemence sa terre. Maintenant sûr de son coup, il se rend à la Rivière-du-Loup pour prendre son permis d’occupation. L’agent l’éconduit honteusement, le traitant de colon de mauvaise foi, etc.

    C’est incroyable, mais c’est vrai. Et il y a ici des centaines de cas semblables dans tout le comté. L’obstacle à la colonisation ne vient pas tant du marchand de bois, des réserves forestières, etc, que du Département des Terres, par ses trop souples agents. On nous en signale un qui aurait déclaré, en présence de plusieurs personnes, qu’il était payé par les compagnies pour décourager les colons comme il le fait. Une enquête serait fort à propos »…

    « Il faut absolument, si l’on veut faire de la colonisation pratique, qu’on s’associe pour le redressement de toutes les difficultés qui sont semées sous les pas du colon. Laissé à lui-même il se décourage et quitte le pays… Le canton Raudot, facile à faire, était sous licence. Nos cercles se sont émus de cet état de choses, et l’on a résolu d’envoyer une délégation à Québec. Il faut rendre cet hommage à l’hon. M. Turgeon qu’il nous a reçus avec courtoisie et a rendu pleine justice à nos légitimes réclama-