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au-devant de leur homme, font les trois quarts et demi du chemin, se font insinuants, persuasifs, entraînants, c’est le cas de le dire.

Les recruteurs de colons, eux, sont-ils bien nombreux ? bien agissants ? bien entraînants ? Vont-ils faire la levée de nos surplus ? Font-ils les trois quarts du chemin ? la moitié ? le quart ? le demi-quart ? Il n’y a, croyons-nous, pour notre province qu’un seul missionnaire-colonisateur en titre, M. l’abbé I. Caron, chargé de peupler l’immense Témiscamingue-Abitibi, et trop pris aux bureaux de Québec pour pouvoir rayonner largement dans toutes nos campagnes. Les bureaux de la colonisation, à Québec et à Montréal, n’exercent d’action au dehors que par la correspondance et les brochures expédiées aux rares administrés qui les demandent. Imagine-t-on un major-recruteur qui se louerait des appartements rue Ste-Catherine ou St-Antoine et qui attendrait en fumant que les conscrits daignent s’amener ? Voit-on bien les cent mille recrues quitter leurs familles pour accourir au khaki ?…

C’est toute une compagnie de recruteurs qu’il faut lancer dans nos vieilles paroisses, toute une mission de colonisateurs, qui reçoivent des cantons à peupler, qui recrutent systématiquement le surplus de tel ou tel diocèse, qui organisent des départs communs de gens qui se connaissent et puissent s’encourager, s’aider, transplanter avec eux leurs coutumes régionales, comme nos ancêtres apportèrent ici leur morceau de France, car le plan n’est pas neuf : « Le fond du peuple canadien, écrit M. Rameau,[1] c’est un vrai démembrement de la souche de nos paysans français : leurs familles cherchées et groupées avec un soin particulier ont transporté avec elles les mœurs, les habitudes, les locutions de leurs cantons paternels. »

  1. La France aux colonies, p. 88.