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tine dont la terre sablonneuse, petite et endettée sera plutôt une servitude qu’un avantage pour le malheureux héritier marqué du sort ; c’est le pauvre, le dépourvu d’initiative, l’arriéré qui ne lit pas la gazette, c’est celui-là que le tract doit aller relancer dans ses ténèbres. Comme Mahomet, nos colonisateurs doivent aller vers la montagne, puisque la montagne ne veut pas venir à eux.

La terre doit savoir se présenter, se faire invitante, solliciter les défricheurs : notre Ouest canadien ne s’est-il pas transporté en Écosse, en Finlande, en Autriche, partout ? N’est-il pas allé trouver chez eux les Anglais, les Allemands et les Ruthènes avec une réclame admirablement conçue de tracts, annonces, interviews, discours, projections, chariots de blé ou de légumes parcourant les campagnes, dans tous les pays d’Europe non susceptibles de fournir des sujets, parlant français, tandis que les compagnies de transport touchaient une prime de cinq piastres pour tout colon qui venait faire fortune chez nous, fût-il un de ces Juifs qui fourragent dans les prairies de la rue Craig et du boulevard Saint-Laurent…

Et ces terres, qui ont eu assez d’éloquence pour fasciner à des milliers de lieues un million d’Européens des plus frustes, n’obtiendraient-elles pas de nos gens une minute d’attention si elles daignaient leur dire un petit mot ? Si l’on ne veut pas faire circuler dans nos campagnes des voitures de denrées, pourquoi ne pas profiter des expositions provinciales et régionales pour étaler dans tous les recoins de Québec des produits spécimens des terres neuves, avec cartes, projections, chiffres, explications et invites à s’emparer de notre sol fertile ? Pourquoi ne pas remplacer, sur les terrains d’expositions, les petites tentes louches d’acrobates et de danseuses, qui souillent ces triomphes de l’agriculture, par une espèce de bureau de propagande colonisatrice qui aboutirait à une excursion monstre,