Page:Dugré - Vers les terres neuves, 1917.djvu/24

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 22 —

reux berceaux rustiques, les bons gros bers de colons décrits par M. Adjutor Rivard, « le vieux ber solide et bien berçant » taillé dans un érable et qui n’a pas le temps de remonter aux entraits du grenier, tant se succèdent drues les petites têtes blondes ; ce sont les bers de la campagne qu’il faut aider à multiplier, non pas tant par des primes aux familles nombreuses, encore qu’elles soient excellentes et méritent d’être rétablies, que par l’établissement systématique de nos fils de cultivateurs sur les terres de colonisation où ils puissent s’agrandir à l’aise. C’est dans nos régions nouvelles, en effet, que se maintient la meilleure proportion de notre natalité : le comté de Matane, avec sa toute neuve vallée de la Matapédia, tient la tête : 59,2 naissances par mille de population. En général, notre natalité commence à faiblir : de 65,3 naissances par mille âmes que’nous avions de 1760 à 1770, nous tombons à 60,1 entre 1830 et 1840, à 55,6 entre 1840 et 1850, à 45 entre 1850 et 1870, puis à 40,3 en 1911. Certaines de nos paroisses de villes semblent contaminées par l’ambiance américaine ou les infiltrations d’Europe : tout récemment, on s’alarmait de ne trouver annuellement en certain quartier de Montréal que « une naissance par dix familles ».

Grâce à Dieu, la campagne reste toujours notre vieille garde qui ne meurt pas et ne se rend pas : une vingtaine de nos comtés ruraux arborent une natalité de 40 à 60 par 1,000 âmes. Mais, chose pénible à constater, plusieurs de ces comtés si prolifiques ont diminué de population depuis 1871. Où vont donc se jeter ces belles recrues de notre race ? Dieu ne nous donnera-t-il tant d’enfants que pour les abandonner à l’exil ? Alors que les Anglais se mettent en quatre pour attirer des millions de colons et que nous désirons recevoir de l’immigration française et belge, commençons donc par installer chez nous les recrues de notre