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de trois millions au lieu de seize cent mille si les 669,528 Canadiens-français du Québec d’alors, déjà diminués d’une émigration de quinze années assez alarmante pour provoquer deux lettres pastorales, n’avaient laissé se perdre la moitié de leurs descendants. On a fait une comparaison assez curieuse entre l’accroissement théorique et la réalité dans dix-huit des plus vieux comtés de notre province. En 1871, leur population globale était de 329,828 âmes. La seule multiplication naturelle aurait dû porter ce chiffre à un gros million en 1911. Or, il n’était que de 324,953, accusant une diminution de 5,000 âmes en quarante ans, au lieu d’une augmentation de 670,000. On ne conserve pas le tiers de la descendance !

Dans tous les États de la république voisine, il y a de nos compatriotes et surtout de nos ex-compatriotes qui ont déjà changé de nom, de langue, parfois de religion, et qui se doublent aujourd’hui contre nous, avec notre fécondité. Dans tous les comtés de l’Ontario, des provinces maritimes et vraisemblablement de l’Ouest, on trouve de nos gens égarés, au nombre de 500, 300 ou 150 parmi 20,000, 40,000 ou 100,000 étrangers. Si encore ces pauvres familles faisaient bloc, mais non ! elles s’ignorent, ne voient et n’entendent que de l’anglais. Pour quelques milliers qui se soudent plus ou moins étanches, d’autres milliers coulent à pic dès la première génération sous l’anglomanie, les mariages mixtes, l’utilitarisme et à l’école.

Dès 1875, alors que notre première génération, d’émigrés vivait encore, le patriote franco-américain Ferdinand Gagnon gémissait du coulage, du naufrage national, et, désespérant d’obtenir hors de chez nous une organisation résistante, renonçait à tenter des rapiéçages qui coûtaient trop cher et qui ne gardaient pas la moitié de nos gens. Il s’arrangeait donc avec les clairvoyants de chez nous pour tâcher d’enrayer toute émigration et de rapatrier le