Page:Dugré - Vers les terres neuves, 1917.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 14 —

des terres pour tous les fils

Ce qui arrive chez nous depuis quatre-vingts ans, c’est qu’un des fils reçoit la ferme paternelle et que les autres, élevés dans la persuasion qu’il leur est impossible d’acquérir une terre, apprennent des métiers ou n’apprennent rien du tout et vont chercher fortune en ville ou aux États-Unis : assez souvent l’héritier du domaine les suivra, et le père lui-même ira peut-être les rejoindre et mourir en exil.

Il faut que les cultivateurs sachent bien que leurs cinq ou six fils peuvent tous avoir de belles terres de cent acres, et qu’il n’est pas nécessaire de les acheter à coups de quinze mille piastres. Non, « pour s’établir sur une terre boisée, écrit M. l’abbé Caron, colonisateur de l’Abitibi, il suffit d’avoir de quoi vivre pour un an au plus… Avec un capital de deux à trois cents piastres, un colon laborieux peut être sûr de réussir, surtout s’il possède déjà un matériel de ferme et du bétail.

On nous a cité comme type du colon un brave Canadien de Portneuf qui vivotait là sur une insuffisante petite terre d’à peu près treize cents piastres, et qui résolut de ne pas infliger un si triste héritage à l’un de ses fils. Il entend parler du Témiscamingue, vend son bien, paye ses petites dettes et part avec sept ou huit cents piastres, dont il achète cinq bons lots fertiles, qu’il estime à quinze mille piastres, six ans plus tard. Voilà un bel exemple de transplantation, où il y a profit double ; le pays voit s’accroître le nombre de ses producteurs, et surtout le fermier de misère assure brillamment l’avenir de ses fils et même de ses petits-fils. Jugez, au seul point de vue économique, de ce que seraient devenues les huit cents piastres de notre homme, s’il était allé vivre en ville : en aurait-il même eu assez pour payer les meubles, les toilettes et le piano ?

Résumons cette première partie : on s’accorde à vouloir