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Nos chefs sentent le besoin de s’appuyer les uns sur les autres, puis sur la masse des électeurs ; ils cherchent toutes les occasions de réveiller le peuple, de lui crier ce qu’il ne lit pas, de lui faire comprendre un peu la grande politique. Les journalistes trop francs ont plusieurs fois goûté du menu des prisons ; ils veulent désormais se payer des banquets à discours, comme ceux de France qui font trembler la monarchie de Louis-Philippe. Duvernay s’en charge.

Ludger Duvernay offre une figure d’organisateur remarquable, à proposer aux jeunes d’aujourd’hui. Né à Verchères en 1799, à quatorze ans il est typographe au Spectateur de Montréal, et il en profite pour se créer des relations. De 1815 à 1825 il est aux Trois-Rivières, imprimeur et préposé à la voirie de la ville, qu’il relève et réforme avec dextérité. En 1826, de retour à Montréal, il dirige La Minerve, puis bientôt le Spectator afin de parler à tout le monde. Il fait écrire des choses raides pour les puissants, il en assume la responsabilité, goûte au cachot, en sort grandi, crâne et populaire. Son nom vaut un drapeau, et il s’offre à expier toutes les audaces de plume. Quand on cesse de l’emprisonner, il fonde la Saint-Jean-Baptiste. Arrêté encore en 1836 il sort de prison triomphant, jamais timide, et se voit élu député de Lachesnaie, à la veille des troubles. Compromis c’est clair, dans le soulèvement des Patriotes, il s’exile aux États-Unis, d’où il revient en 1842 publier encore La Minerve et fêter la Saint-Jean-Baptiste. Il meurt en 1852, toujours aimé, assez vieux pour jouir des réformes politiques si ardemment réclamées.

Le 24 juin 1834, donc, dans le jardin de l’avocat McDonnell, soixante convives réunis par Duvernay banquettent en l’honneur de saint Jean-Baptiste et en faveur des libertés constitutionnelles, sous la présidence du maire Jacques Viger, au milieu des flambeaux, des fleurs, de la musique et surtout des discours. Treize orateurs célèbrent en français et en anglais, non la bonne entente — tous présentent un front uni à l’adversaire commun — mais Papineau, les réformistes et saint Jean-Baptiste, ce glorieux patron « qui, il y a dix-huit siècles, est venu préparer la voie de la réforme morale ». L’on porte vingt-cinq santés, pas une de moins : au Peuple,