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proverbialement dans le sable faisait changer le nom si bien trouvé, en celui de Pointe-aux-Puces. Est-il possible !…

La race écolière, surtout les types d’Yamachiche, faisait semblant d’ignorer tout des beautés naturelles et des grandeurs historiques de cette douce voisine, pour n’y voir que le sable du village, dont les mille petits grains d’or s’écartaient gentiment sous les roues des voitures, pour se replacer tout pareils dans l’ornière en biseau, jusqu’à la voiture suivante. Pourtant c’était poétique, mais au ralenti, et les chevaux, pratiques plutôt que pégasiens, ne scandaient que de leurs coups de collier ces cinq ou six arpents de Sahara, qui les couvraient d’écume. Inutile alors d’afficher que la vitesse maxima était de vingt milles à l’heure ! Le meilleur palefroi n’allait pas à trois milles. Les compérages les plus huppés, les mariages les plus pressés, les tours de voiture les plus reluisants subissaient la calmante influence de notre sable : velit, nolit, Bucéphale était dompté, Bucéphale devenait rosse. Arrivait-il qu’un équipage allât bon train ? L’on se précipitait aux fenêtres, non pour admirer le fier destrier, mais pour conspuer le féroce cocher, qui ne pouvait être qu’un bourreau. Deux indices de mauvais caractère, chez nous : battre un cheval dans l’étable, ou le faire courir dans le village. On ne s’y trompait pas, et le forban ne trouvait pas à se marier.

Telle était l’avenue, la Première, la rue Ste-Catherine, Notre-Dame, Main et Principale, bifurquée aux deux bouts, flanquée d’érables de giguère, de reliques de trottoirs, de soupçons de galeries et de paisibles maisons de bois, qui toutes avaient connu un jour l’irréparable outrage de la chaux et de la peinture. Le modeste couvent de brique rouge, adossé aux pins, dérobait aux curieux le charme de ses jeunesses derrière des talles de lilas, impénétrables comme des bandeaux de coiffes.

L’imposant clocher de l’église, qui lance des reflets argentés, ferme la ligne, en faction rigide au coin de la route du lac et de celle de la station, près des manoirs et du Moulin, du vieux moulin seigneurial, classé depuis monument historique, terminus des attelages du dimanche, toujours débordant de vie, de visites et de plaisir, et où l’on tâtait le pouls de la paroisse. Sur l’étang de la chaussée, attractions variées des troncs flottants, des bains,