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fraudes et violences rendent illusoire le fonctionnement du système électif »… Et pourtant, le télégraphe n’était pas encore implanté.

Les bonnes mémoires nous parleront des instruments de travail de 1850 : des traits, non de cuir ou de fer, mais de « pelures de bois-blanc, tressés gros comme la moitié du poignet » ; des bandages de roues en bois, qu’on recourbait en les forçant entre des poteaux ; le fanal percé à chandelle, la lampe à huile-à-brûler, ou huile-à-bottes, ou huile de marsouin, dont la mèche était une lisière d’étoffe du pays. Une espèce de tige, — un manche — accrochait la lampe au plafond, protégé par une tôle. Pour épargner les allumettes, on regardait si la cheminée du voisin fumait. On allait y chercher des tisons dans un « porte-ordure » à couvert troué. Mais après que la petite Godin se fût brûlée en route, la coutume tomba.

L’on allumait le feu avec un briquet, ou batte-feu, qu’on frottait dur contre une pierre à feu, dont les étincelles tombaient sur des morceaux d’amadou, ou de tondre sec, fourni par les cœurs d’érables vieux. Le tondre passait de pipe en pipe, ou bien les allumettes de cèdre qu’on enflammait au foyer. Les anciens qui auraient pris cinq allumettes chimiques pour allumer cinq pipes, ou rien qu’une, se seraient affichés sur le bord de la ruine, à la veille de vendre leur terre !…

Il faut entendre conter aux Montour l’apparition de la première lampe à pétrole chez eux, après des hésitations et des calculs comme on n’en fait plus pour acheter un radio ! La mère avait dépaqueté la merveille avec un soin de rituel, en l’absence des enfants, vous comprenez. Quand elle l’eût placée, pour quelques minutes d’admiration, sur la grande table, bien à plomb, bien au fond, si un malheureux s’approchait de moins de trois pieds, non de la lampe mais de la table, quel haro : « Maman ! la lampe est cassée ! Il va la casser ! » Ils ont maintenant les lampes électriques à l’étable, au poulailler, et ils en cassent une par-ci par-là…

Les progrès ont été si rapides que la même génération aura connu tout cela, de même que la transition de la faucille et du fléau à la moissonneuse-batteuse.