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si le sort des Acadiens déportés ne les guette pas ; voyons simplement les colons chez eux, dans leur cabane en bois rond ou en pièces équarries, sous un toit d’écorce ou de chaume.

Rares sont les meubles de famille apportés de France. Tout est « fait à la maison » : bancs, tables, escabeaux, couchettes et ber, coffres et armoires. Le seau à l’eau est sur le banc. L’assiette à l’huile qui sert de lampe, les allumettes de cèdre, le rameau, le fusil à baguette, sont accrochés aux poutres fendillées, jamais peintes. Les fenêtres sont rares et petites ; la porte est basse. Une échelle ou un escalier sans bras monte au grenier. Les poêles sont inconnus avant ceux des Forges : le foyer de pierre garde la marmite soutenue par la grille ou par la crémaillère. Qu’est-ce qui bout ? Qu’est-ce qu’on mange ? De la soupe évidemment, puisqu’on est des Français ; soupe aux inséparables choux et navets, soupe aux pois, et, dans les périodes d’extrême dénûment, soupe aux cotons de framboisiers, aux patates sauvages et aux racines des champs. La pomme de terre n’est considérée nourriture d’homme que vers 1800. Le lard fut toujours populaire chez l’homme du sol : viande facile à importer et facile à produire ; en 1634, quelques groins font leur apparition ici et là ; en 1734, on en compte 23,000, et 70,000 en 1784. On ne réussit pas à faire goûter le lard aux Iroquois, qui préfèrent le grand gibier : « Quittez ces puants pourceaux, qui courent ici parmi les habitants et qui ne mangent que des saletés ; venez manger de bonnes viandes avec nous ! » Ces viandes délicates par excellence sont la patte d’ours, le muffle d’orignal et la queue de castor.

La chasse et la pêche abondent : le chevreuil, le lièvre, un peu d’ours et de castor, la perdrix par centaines, chassée au piège et au fusil, le canard, les cailles, les bernêches, (outardes) surtout les voliers de tourtes, vrais fléaux qui ruinent les moissons et qu’on supplie l’Église de conjurer. Le sieur Boucault en parle dès 1754, et cela dure cent ans : « Au printemps, il vient des pays chauds une quantité inexprimable de pigeons ramiers, que les vulgaires nomment tourtes, — par bandes de deux à trois mille, durant trois semaines et dans tout le pays. La chasse y étant permise à tout le monde, on entend tirer du matin au soir, même dans les villes… Dès que leurs petits sont assez forts pour voler, ils les amènent dans les terres ensemencées, pour jusqu’à