Page:Dugré - La Pointe-du-Lac, 1934.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 63 —

du brigadier Thompson, pour aborder à la Pointe-du-Lac, et de là, s’avancer sur les Trois-Rivières, mais avant d’y arriver ils rencontrèrent le brigadier Fraser à la tête de troupes plus nombreuses. Il s’ensuivit un combat meurtrier, qui se termina à l’avantage des Anglais. Le général Thompson et le colonel Irwin furent faits prisonniers, avec environ deux cents de leurs gens. Le reste retraita précipitamment à travers les plaines marécageuses du nord du lac, et alla rejoindre les troupes américaines à Sorel ».

Le notaire J.-B. Badeaux et M. A. Berthelot donnent la raison de cette victoire de Fraser. En arrivant, la nuit, les Américains arrêtent un cultivateur, Antoine Gauthier, pour le forcer à les conduire à travers le bois. En s’habillant, Gauthier charge sa femme de faire avertir la ville. Elle court chez le capitaine de milice Guay dit Landron ; celui-ci se hâte par le chemin direct pendant que Gauthier fait louvoyer les Américains dans les bois du Coteau de Sainte-Marguerite, pas commodes la nuit ; à quatre heures du matin, Landron jette l’alarme et les troupes vont se cacher près du cimetière actuel, où Gauthier n’arrive qu’à huit heures avec une avant-garde d’Américains qui sont pris par M. de Niverville avant de pouvoir crier. Le gros des troupes arrive et se fait canarder. La bataille est courte : deux ou trois cents morts, autant de blessés, et sauve qui peut ! Carleton fait venir Gauthier pour se faire raconter cela. En guise de merci, il lui dit en badinant : « Vous mériteriez d’être pendu !… » On recueille des blessés jusque derrière Yamachiche. Vingt bateaux, huit canons et les provisions laissés à la Pointe-du-Lac sont les trophées de la victoire,

Pourquoi l’un de ces canons ne décore-t-il pas notre place publique ? Ce n’était pas encore la mode, je suppose…

En guise d’épilogue, une dizaine d’années plus tard, deux Américains, vétérans qui avaient encore sur le cœur ce mauvais tour, vinrent tirer vengeance d’Antoine Gauthier. Mais dans l’obscurité de la nuit ils se trompèrent de maison. Pour faire sortir leur homme ils secouaient le contrevent. Réveillée par le bruit, la femme, dont le mari était absent, sortit pour remettre le crochet : elle fut assommée à la porte, de même que plusieurs enfants. Les autres réussirent à s’échapper dans un fossé. La tradition raconte que les coupables furent pris et condamnés à