Page:Dugré - La Pointe-du-Lac, 1934.djvu/71

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 61 —

Quand, les cadres d’une paroisse sont remplis, que les terres sont prises et que les industries manquent, la jeunesse est forcée de déborder.

Où sont allés nos surplus de population ? Dans l’ancien temps, beaucoup de défricheurs, trop serrés par la pauvreté ou gagnés par le goût des aventures, sont allés ouvrir des terres ailleurs. Puis le fléau de l’émigration aux États-Unis a pris notre jeunesse et les familles entières ; ça été la saignée la plus longue et la plus radicale. Quelques familles se sont transplantées naguère aux Cantons de l’Est., à l’exemple de Jean Rivard ; plus récemment au Témiscamingue et dans l’Ouest.

Depuis l’essor nouveau des Trois-Rivières, après l’incendie de 1908, on a déménagé en ville ; beaucoup sont installés à Montréal ou à Shawinigan.

Bien des terres jaunes qui jadis faisaient vivoter une famille, surtout dans les rangs de Saint-Charles et de Saint-Nicolas, sont léguées aux sables et aux bouleaux qui repoussent, alors qu’une culture savante aurait pu transformer cela en potagers, en petites cultures, si profitables, à quelques milles du marché. On aurait pu s’attirer le compliment adressé aux jardiniers belges par un de leurs députés : « C’est un des exploits humains les plus étonnants et qui prouvent le mieux la ténacité de la race flamande, que la transformation de cette région désolée en un vaste jardin légumier : ces terres pauvres donnent parfois plus que les terres riches… L’agriculteur belge a été plus fertile que son sol ; il fait pousser les récoltes dans le creux de sa main. »

Plusieurs de nos fermiers ont fait et font encore leur large vie, et un peu plus, sur des terres sablonneuses qu’ils ont soignées, nourries, préservées de la tuberculose et de la mort. D’autres ont tout lâché. Et la Pointe-du-Lac, qui comptait 1,602 âmes en 1851, n’en compte plus en 1931 que 1,400, et encore c’est en y joignant les deux cent-cinquante nouveaux venus des communautés récentes. Les pertes réelles sont formidables, puisqu’il faut y calculer l’accroissement possible que nous avons perdu. Supposons que notre jeunesse se fût établie chez nous ; aux taux réguliers de natalité, en quatre-vingts-ans notre chiffre pouvait se doubler quatre fois et atteindre 25,000 en 1931 ; les