Page:Dugas - Un voyageur des pays d’en-haut, 1890.djvu/39

Cette page a été validée par deux contributeurs.
37
DES PAYS D’EN HAUT

qui voulaient faire étalage de leur force, en portaient jusqu’à cinq et six. D’anciens voyageurs assurent avoir vu de ces hommes qui en enlevaient huit sans se gêner. Au moyen d’une courroie de cuir suspendue sur leur tête, et rejetée en arrière, ils réussissaient à se placer cette charge sur le dos, et, au pas accéléré, ils la transportaient au bout du portage. Le nom d’un nommé José Paul a été longtemps célèbre dans le Nord pour des exploits de ce genre.[1] Les sentiers que sui-

  1. José Paul était un Canadien né à Sorel. Il était d’une force si prodigieuse, que tous ses compagnons en avaient peur comme du diable. On raconte de lui une foule d’anecdotes fort intéressantes.
    Un jour, au fort William, sur les bords du lac Supérieur, José avait bu outre mesure et faisait un vacarme affreux au milieu de ses camarades. Il voulait se battre avec tout le monde, et comme personne ne se souciait de se mesurer avec lui, il appelait les diables de l’enfer à venir faire le coup de poing. Monsieur le grand vicaire Crevier, alors missionnaire au Nord-Ouest, se trouvait dans le fort William ; lui aussi avait le bras raide et solide. Il était en ce moment occupé à se raser dans sa chambre. Les cris et les imprécations de José l’impatientaient ; il résolut de mettre fin à tout ce tapage. Sans attendre la fin de l’opération, il dépose son rasoir sur la table, s’essuie un peu la figure et sort dans la