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UN VOYAGEUR

échos d’alentour, puis, au chant cadencé d’une chanson canadienne, les bras vigoureux des rameurs lançaient les embarcations sur le fleuve.

Le travail le plus rude était le partage des novices ; là comme à la guerre, il fallait gagner ses épaulettes. Toutes les nouvelles recrues étaient décorées pour la première année du nom peu poétique de mangeurs de lard. L’origine de ce sobriquet venait, paraît-il, des plaintes exprimées par les conscrits, quand ils se voyaient réduits à n’avoir pour

    rèrent par petits détachements, et se dirigèrent vers la rivière aux Anglais, la rivière la Paix, le fort Chipeweyan, le lac des Esclaves. À mesure que la saison avançait, ils étaient de plus en plus menacés de mourir de faim.
    Dix-huit de ces malheureux ayant été détachés par leur chef pour aller chercher en raquettes les quartiers d’hivernement des sauvages, s’égarèrent en route et se virent réduits à manquer de tout. Environ trois semaines après leur départ, ils étaient tous morts de faim, à l’exception d’un seul, qui réussit à atteindre un fort de la compagnie du Nord-Ouest. Ceux qui avaient lutté le plus longtemps contre la mort s’étaient vus dans l’horrible nécessité d’assouvir leur faim sur les cadavres de leurs camarades. Les quatre-vingts autres trouvèrent moyen de gagner les postes du Nord-Ouest, et de se mettre au service de cette compagnie.