Page:Dugas - L'amitié antique, 1914.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


L’AMITIÉ ANTIQUE


CHAPITRE PREMIER

L’AMITIÉ, PHÉNOMÈNE PSYCHOLOGIQUE,
NON PHYSIQUE


Les Anciens donnaient au mot « amitié » l’extension que nous donnons au mot « amour ». Us disaient : l’amitié paternelle, familiale, l’amitié amoureuse (φιλία ἐρωτιχή) ; toute affection entre les personnes, large ou étroite, banale et froide, comme la philanthropie, ou personnelle et intime, comme l’amitié proprement dite (φιλία έταιριχή) était, pour eux, de l’amitié[1].

Si l’amitié est prise pour type de toutes les affections, c’est qu’elle est, dans les mœurs de la Grèce, l’affection la plus forte et la plus développée ; elle éclipse l’amour, elle a des racines plus profondes que les sentiments de famille ; elle est l’affection héroïque, chantée par les poètes. Les sentiments ont leur destinée historique ; l’amitié est, dans le monde antique, ce qu’est l’amour dans le monde cheva-

  1. Le mot « amitié », pris comme synonyme d’affection, se retrouve encore dans notre langue, particulièrement chez les classiques. Ex : Malherbe (Stances à du Périer) « … les tristes discours, que te met en l’esprit l’amitié paternelle… » Cl. Racine, « l’amitié, affection paternelle ou filiale », Iphigénie, v. 1452 ; Athalie, v. 717, etc.