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viii
préface

dans les palestres. Il ne croit plus présentement, et se reproche d’avoir cru à cette alchimie morale ; il se rallie à la thèse ou plutôt au point de vue d’Aristote, lequel traite de l’amitié comme d’un sentiment à part, sans alliage impur. Cette vue psychologique nouvelle lui faisait un devoir d’écarter de son sujet, non pas comme inconvenant, mais simplement comme étranger, tout ce qu’il avait dit des mœurs grecques en matière d’amour. La facilité avec laquelle il a opéré ce retranchement lui a prouvé qu’il était naturel autant que nécessaire : il n’a pas eu à trancher dans le vif. Certes l’amitié et l’amour grec se rattachent à une même cause, procèdent de ce qui a été appelé dans ce livre une civilisation masculine. Mais là s’arrête le rapprochement. Il a pu y avoir voisinage, mais il n’y a aucune parenté morale entre ces deux sentiments. C’est à cette vérité psychologique que rend hommage cette nouvelle édition, laquelle sous ce rapport renie la première. L’auteur n’éprouve aucune gêne à reconnaître et à avouer une erreur ; il est heureux de pouvoir la corriger.

Ce livre, qui résume et commente quelques-unes des plus belles pages que, dans l’ordre moral, l’antiquité nous ait laissées, se présente désormais comme un monument élevé à l’amitié, et à l’amitié seule ; par là il est assuré de trouver bon accueil auprès de tous ceux qui ont le culte des humanités, s’il en reste, comme on l’espère et on le croit.