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VERS LES SOMMETS

Avoir pris cette attitude ne m’imposait guère de retenue, de sacrifice. C’est un peu avouer, n’est-ce pas, que mon imagination fleurissait parfois un petit Éden ?

Quelquefois, devant le spectacle de jeunes gens m’étalant leurs succès de salons, je me surprenais à les plaindre, à les trouver ridicules de goûter le bonheur là où je n’en voyais pas, de ne pas jouir des mêmes choses que moi. Malgré les multiples quolibets que ma froideur mondaine me valait de leur part, je continuais d’être un ermite dans le monde du début de vingtième siècle !

Maintenant j’explique mon état d’alors. Mon être intellectuel avait mené une vie débordante, de débauche, ce qui avait, si l’on peut dire, chloroformé mon être moral. J’avais vécu en forçat derrière les quatre murs de l’édifice qui s’appelle la pensée. Elle m’accaparait. À part la pratique de mes devoirs religieux, je vivais exclusivement pour elle. C’était ma marotte. Si mon cœur battait plus fort, cela lui arrivait souvent, c’était quand ma passion éclatait pour l’érudition ou la science, que j’aurais fait une maladie de ne pas pouvoir acquérir dans une certaine mesure. Les aptitudes, les efforts, les succès chez les autres m’en ont toujours imposé. Je me suis sans cesse incliné avec