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VERS LES SOMMETS

vient un temps que cette harmonie qu’on se refuse d’entendre finit par produire sur soi la fascination qui transfigure.

On m’a présenté bien des jeunes filles depuis une dizaine d’années, songe-t-il, presque à mi-voix. Plusieurs occasions même m’ont été offertes d’en courtiser deux ou trois. Les jeunesses s’entrecroisent et s’attirent. L’éternelle attraction des sexes. Mais jusqu’à présent, jamais l’amour de l’étude n’a laissé la moindre place pour celui de la femme. Je n’aurais jamais pensé que mon cœur, inaccessible d’accès, croyais-je, prît sa place à la table du festin mystique de l’amour. Le plaisir intellectuel primait. Mon état actuel m’effraie !… Mais l’inquiétude où me plonge cette délectation disparaît devant mon ivresse ! Je m’abandonne mollement à la dérive.

Hier encore, naïf que j’étais, je ne concevais pas ma vie dissociée de mes études. Celles-ci constituaient seules mon trésor. Les problèmes sociaux m’absorbaient tout entier. Dans mon âme il n’y avait pas un seul petit coin pour autre chose. Chaque minute de mon existence se dépensait au service exclusif de ma culture. Devenir l’un des plus compétents serviteurs de mon pays, tel était mon unique idéal. Je voulais être apte à y jouer