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V

Nous sommes au lendemain du jour où Jules a dit son amour à Mlle Clément. Il vient de monter à sa chambre, après avoir souhaité bonne nuit à sa mère. D’un doigt nonchalant, il a fermé le commutateur. Des clartés de lune nimbent de couleurs légères les tentures mauves des murs. Par le vasistas ouvert à demi s’infiltrent des bouffées d’air tiède. Au dehors, des jappements sourds monologuent. Des autos en vitesse glissent sur la route, faisant frissonner le logis plein de calme. Il est onze heures. Assis sur le fauteuil près de sa table de lecture, il grille une dernière cigarette. Un pâle nuage de fumée pleine d’arôme flotte autour de lui. Une rêverie sentimentale le pénètre. Les choses du cœur l’emportent sur celles de l’esprit. À cette minute de griserie inaccoutumée, le réel s’efface devant la chimère et le rêve. Il s’adresse la parole, comme s’il parlait à un interlocuteur invisible :

— À mon âge, on a beau se fermer les yeux en présence des lieux où chante le rêve romanesque, il